Et "anti-Lesgards" (défense libérale 2)

Publié le par Andrei LUDOSAN

Reprenons donc à l’article de Mr LESGARDS, point par point:

"Tel est le fondement du néolibéralisme contemporain. Le marché y est pris comme «valeur» fondatrice, régulatrice, créatrice, à partir de laquelle, est supposé s'échafauder un système social et politique qui en serait l'heureuse dérivée. C'est en faisant appel aux intérêts individuels que se constituera, selon cette thèse, le meilleur agencement social possible et le dispositif politique le plus apte à prendre en charge l'organisation de l’évolution de la société."

C'est une affirmation que rien ne soutient. Surtout, aucune affirmation sortie de la bouche (ou de la plume) d'un auteur "libéral", du moins contemporain. D'ailleurs, au fond, ne serait-il pas plus correct de commencer un jugement sur le "libéralisme" en ecoutant...d'abord ce que disent les libéraux eux-mêmes ?
Non, la "valeur fondatrice" du libéralisme....est la liberté (d'ou son nom, d'ailleurs...). Entendue, plus précisemment, dans le sens de liberté individuelle. Le "marché" est une conséquence. Des individus libres interagissent par le biais de "marchés". S'ils ne sont pas libres, les relations inter-humaines seront le plus souvent des "contraintes" ou des "chantages"...mais pas des “marchés”.
- effectivement, "nous" (les libéraux) voyons "l'agencement social et politique" comme le résultat de cette interaction de volontés et intérêts individuels. Et nul ne dit que ces intérêts sont uniquement "matériels". Ils sont...de toutes sortes (affectifs, idéologiques, etc.).
Lequel est prioritaire ? Ben...justement, je ne sais pas. A peine si je saurais le dire en ce qui me concerne... Pourquoi irais-je dire ce qu'il en est des autres ? N'est-ce pas une forme de modestie que de ne pas imposer aux autres mes points de vue ? Et de quel droit donc viendrais-je parler "au nom des autres"? L'idéal libéral est justement...de laisser chacun définir ses "priorités" à lui.

" Ces marchandages d’intérêts ne conduisent pas à des optima tendant à satisfaire au mieux les besoins fondamentaux des hommes et à produire le maximum de richesses pour le plus grand nombre. Jour après jour, preuve nous est donnée que le système productiviste engendré par les pures logiques du marché ne sert que les catégories sociables les plus solvables, et rejette dans l’exclusion, hors jeu, un nombre croissant d’hommes et de femmes."

Plusieures fausses vérités.
a) Je ne sais pas si les marchandages d'intérêts conduisent ou non à des "optima" (économiques, car il semble que c’est de celà qu’il s’agit), mais l'expérience a prouvé que les sociétés libérales ont fait...moins mal que toutes les autres. Est-ce l'optima ? Peut-être bien que oui, peut-être bien que non...
b) A propos, ces "optima", qui c'est qui les définit ? Des "sages” de droit divin? Il n'y en a pas. Des "sages” auto-proclamés (comme l'auteur de l'article, sans doute)? Celà s’appelle des “despotes”. Des "sages” élus ? Un acte despotique l’est-il moins parce qu'il a un "alibi" éléctif ?

Mêmes remarques pour "le maximum" (quel maximum?) de richesse pour le plus grand nombre. Certes, aux USA ("temple du libéralisme" n’est-ce pas ?) il y des pauvres. Ils sont toutefois nettement moins nombreux (et en valeur absolue, et en pourcentage) que ceux de l'ex-URSS...De surcroit, un "pauvre" aux USA a toutefois plus de pouvoir d'achat que...le russe moyen !  Donc, au bout de quelques décennies, au chapitre "le maximum de richesse pour le plus grand nombre" le verdict des faits est sans appel.

Quant à "l'exclusion" (économique) qui serait croissante, c'est un faux pur et simple. Toutes les statistiques économiques prouvent le contraire, du moins en ce qui concerne les pays libéraux.
C'est peut-être vrai pour certains pays d'Afrique, d'Amérique du Sud... Mais là aussi: s'agit-il de pays libéraux ,ou bien de despotismes (issus, le plus souvent, de "républiques populaires”...) ?
Si tant de pays se sont enfoncés dans la misère, c'est surtout (sinon exclusivement) à cause… du non-respect des libertés individuelles !

"Ajoutons qui les ajustements entre l'offre et la demande solvable, tels qu'ils résultent de ces marchés, sont rythmés par des crises brutales, leur seul mode de régulation".


Oui mais…
Oui, le plus souvent les "exces" des périodes "fastes" aboutissent à des "crises correctrices". Cependant, ces crises ont le mérite d'exister et de survenir souvent. Qui plus est, elles sont "intrinseques" au système !
En revanche, la marche lisse, sans à-coups, des "socialismes" :
- n'engendre aucune "crise correctrice"
- le seul "point d'arrêt" est…le cataclisme final !
Entre les "crises" périodiques du capitalisme (quelques mois d'effondrement boursier et de "chaos", suivis d'un redressement sur 1-2 ans, tous les 7-10 ans environ) et les dégâts économiques, humains et moraux de la chûte finale des pays ex-socialistes (une ou deux générations vont payer les  "pots cassés") on préfère quoi ? Vaut-il mieux des orages fréquents mais petits, ou bien des déluges, rares mais dévastateurs?

" Malheureusement, nous savons que le capitalisme financier, industriel et marchand peut trouver son plein épanouissement dans des régimes autoritaires aux mains de généraux sud-américains, de colonels européens ou de présidents africains. La démocratie que le marché revendique pour compagne est une démocratie minimale, réduite au laisser-faire, au laisser-passer de l'argent et des produits marchands, à l'existence d'un Etat diminué qui se fait complice des intérêts étrangers jusqu'à la corruption. Simple pluralisme apparent d'opinions tenues en laisse, de journaux réservés aux kiosques des aéroports, il n'y a là que démocratie formelle qui sonne creux."

On en a dejà parlé. Les généraux et colonels en question ont émergé à la faveur...de systèmes qui n'avaient rien de libéral. Comme n’était pas non plus “libérale” la vie économique à l'intérieur de ces pays.

"Le libéralisme se confirme être, en réalité, l’ennemi d'une démocratie forte, pleine, vivante, où la lucidité et la participation des citoyens seraient requises pour régler la bonne marche de la cité. Système censitaire où l'élite est d'abord financière et marchande, le «marché» ne vise qu'à entretenir une mini-démocratie à la solde de ses intérêts matériels. Les médias sont ses serviteurs; il les abreuve de ses « libéralités » sonnantes et trébuchantes." Etc. etc.: plusieurs lignes decriant l'asservissement de la démocratie au pouvoir financier.

D'abord, là-aussi, c'est à peu prés faux. Pour preuve: tous ces médias "asservis" arrivent, du moins de temps à autre, à dévoiler des scandales, des abus de pouvoir, etc., dans les pays libéraux. Qu'en est-il des médias "non-asservis" des systèmes socialistes ?
Je crois que "Le Figaro" a critiqué bien de patrons, bien de partis "de droite". Connaissez-vous beaucoup de critiques portées par "L'Humanité" à l'égard du PC ?
“La poutre et la paille...”, histoire éternelle...

Mais on peut admettre que l'hypothèse d'une emprise à peu prés totale d'un pouvoir financier sur tout le reste de la vie puisse se formuler. Théoriquement, un "succes économique" à tendance à s'auto-amplifier, jusqu'au monopôle complet. Il n'a plus alors, du moins sur le plan économique, de vrai contre-pouvoir.
Celà arrive rarement en réalité mais… ça peut arriver !
Plusieures remarques:
1. Pourquoi "domination économique" vaudrait-elle domination TOTALE (politique, sociale, etc.) Les "politiciens" , "syndicalistes", etc., brèf, les "hommes" sont-ils aussi dépendants du pouvoir "économique"? Peut-on "acheter leur conscience" aussi facilement?
Eh oui, (hélas!), la vie nous a dejà prouvé que c'est le cas, pour une immense majorité des gens. Montrant ainsi par les faits que les mobiles "économiques" de la plupart d’entre nous sont quand même prioritaires. Si ce n'etait pas vrai, la domination "économique" ne devrait pas menacer l'équilibre politique. Et donc les craintes de Mr Roger Lesgards seraient infondées.
Ce qui explique, accessoirement, le "vide politique" inevitable des systèmes basés sur une économie non-concurentielle. L'emprise, sur l'économie, d'un seul appareil (étatique en général) aboutit inévitablement à l'emprise de ce même appareil sur tous les domaines de la vie sociale.

On peut toujours trouver la démocratie aux USA (par exemple) imparfaite. Néanmoins, je ne connais personne (hormi Danielle Mitterand bien sûr !) pour penser que la "démocratie" de Fidel Castro lui soit préférable...

2. Il s'ensuit logiquement que la préservation des libértés et des pouvoirs de contestation dans tous les domaines impose:
- la préservation prioritaire de la liberté économique, et
- une barrière aux monopoles économiques
Raison pour laquelle justement une des lois basiques du libéralisme est devenue...la loi anti-monopôle !  Et, à bien y reflechir, le concept de "loi anti-monopôle" n'est que l'application à l'économie du même concept qui dit que la liberté d'un individu s'arrête...là ou elle commence à "agresser" la liberté d'un autre. ( Que cette loi ne s'applique pas toujours "comme il faudrait"...c'est un autre débat...). 
Preuve, s'il en fallait encore, que l'idéal de liberté individuelle n'est pas si "naturel" que ça: c'est, avant tout, un choix éthique.

Précision: je ne vois aucune différence entre un monopôle “privé” et un monopôle “public”. Les deux sont également délétères. Pire, le monopôle public, du fait de l’identité entre “juge” (Etat) et “accusé” (toujours l’Etat!) nécessite...des révolutions (plus ou moins sanglantes) pour arrêter “la machine infernale”.

“Sa prétention (du libéralisme) à structurer un ensemble social cohérent est rendue inopérante du fait même qu'il ne conçoit la société que comme un agrégat d'individus, sans lui reconnaître la moindre personnalité propre, la moindre autonomie, la moindre faculté créatrice.”

Alors là...oui, je persiste et je signe. La “société” est (et doit rester!) SEULEMENT le résultat “à-posteriori” de cet “agrégat d’individus”. A chaque fois qu’une société est affublée d’une “personnalité propre, autonome”...(et donc distincte des hommes qui la composent) celà se solde par des désastres humains. Quelques rappels? Hitler était prêt à sacrifier tous les allemands sur l’autel de l’ALLEMAGNE, les islamistes appellent les gens à se sacrifier pour l’ISLAM, les peuples de l’Est étaient régulièrement invités à faire des sacrifices pour que triomphe le COMMUNISME.
Au temps de Louis XIV l’immense majorité des français s’enfonça dans la misère, mais ça valait la peine, car LA FRANCE était glorieuse.
Idem sous Napoleon.

 En regle générale, lorsqu’une idée abstraite prend corps et devient une chose “autonome”, il est rare qu’elle ne finisse pas en tyrannie. D’abord à l’égard de ses propres sujets, puis elle part en guerre contre les voisins. Généralement, ça finit dans des bains de sang.
Et ça commence toujours par le même refrain: “le bien collectif, supérieur, doit passer avant les petits intérêts personnels”.
N’est-ce pas un lieu commun d’affirmer la primauté des “raisons d’Etat”, même (et surtout!) lorsqu’on prend des mesures défavorables aux gens ?

Toutes ces entités abstraites (Etat, Collectivités diverses, Syndicats, etc) censées, au départ, représenter des individus ( autrement dit, s’en faire l’echo, le porte-parole, donc en être subordonnées) ont invariablement tendance...à s’autonomiser et, partant de là, à “avoir une vie propre”: d’abord de plus en plus indépendante des individus qui en sont l’origine (ce qui est dejà inacceptable et, moralement, une usurpation), puis, tôt ou tard, contre ces individus. Et comme la “chose abstraite” ne prend tout de même pas vie, au sens physique du terme, la tyrannie de “la chose” est en réalité la tyrannie des personnes ( en chair et en os, celles-ci) qui la dirigent.

L’Etat, à l’origine (conceptuellement parlant), est censé représenter les gens d’un pays: simple reflet, simple “synthèse” d’une multitude de volontés individuelles. Il finit toujours par devenir une AUTORITE, plus ou moins tyrannique à l’égard du plus grand nombre. Le point de basculement est justement celui que Mr Roger Lesgards appelle de ses voeux: le moment ou l’on pense que cette “synthèse” est (et doit être!) autre chose que la résultante des volontés individuelles. La “synthèse” (et donc son expression institutionelle, l’Etat) deviennent donc “autonomes”. Et, comme “la collectivité” (toujours l’idée abstraite devenue “autonome”) prime sur l’individu (postulat de base dans cette optique), la “synthèse” - donc l’Etat - se mettra, tôt ou tard, à dicter aux individus: dorénavant, ce sont les individus qui devront faire l’effort de ressembler à la “synthèse”. La “synthèse” est devenue donc un but, et non plus un simple résultat. Une Norme Unique ombrageuse, une sorte de Lit de Procuste. Ce qui explique, dans la pratique courante, les procédures administratives rigides, si coutumières à tout appareil étatique: ce ne sont plus les formulaires administratifs qui se doivent de refléter la vie réelle, mais la réalité qui doit se mouler dans les formulaires CERFA ! En pratique, celà nous vaut le despotisme (plus ou moins absolu) des hauts fonctionnaires.

Quant aux “facultés créatrices” (spécifiques à ces abstractions devenues “autonomes”) j’ai la sottise de ne pas les voir...Je connais plus ou moins bien les facultés créatrices des hommes, mais celles d’une “chose abstraite”, facultés indépendantes de la volonté des hommes, non.


(En libéralisme)“La société est sommée de ne pas imposer d'autres références. Et, ce faisant, elle perd toute maîtrise sur son propre devenir. Elle n'a plus de choix. Le sentiment d'incapacité à influer sur le cours des choses s'empare de chacun. Nous avons la sensation d'être emportés par des forces obscures qui nous dépassent. Nous sommes définitivement soumis. L'idéal émancipateur a fait long feu.”

Decidemment, Mr Roger Lesgards  tient beaucoup à cette préeminence de “la société” (conçue explicitement comme un truc indépendant des individus qui la composent). J’ai déjà exposé mon objection à celà.

Par ailleurs, les sentiments de Mr Roger Lesgards me surprennent un peu. Quand je suis libre de décider, moi, de mon sort, je n’ai aucun “sentiment d’incapacité”, ni de “sensation d’être emporté par des forces obscures...”. J’eprouve toutes ces choses-là…justement lorsqu’une autorité extérieure (appellée Etat, Société, Syndicat, etc.) acqiert le droit de m’imposer des choix moraux, des idéaux, etc. Autrement dit, je me sens “maître de mon destin” quand…c’est moi qui en décide, et je me sens “dirigé” lorsque...je suis dirigé. C’est peut-être simplet mais c’est comme ça.
Il faudrait que Mr Roger Lesgards m’explique par quelle subtilité intellectuelle pour lui c’est l’inverse.

En fait, il existe une seule “position sociale” à partir de laquelle les propos de Mr Roger Lesgards sont cohérents: celle de “dirigeant”, de “décideur du bien des autres”. Dans cette hypothèse, oui:
- on a (au singulier) un réelle capacité d’influer sur “le cours des choses”.
- on n’a aucune sensation d’être emporté par “les forces obscures”, puisque justement, on en est le maître (toute similitude avec “La Guerre des Etoiles” est, bien sûr, un pur hasard...)
A remarquer d’ailleurs que le souçi de Mr Roger Lesgards n’est pas son destin à lui (quel admirable abandon de soi!). Non! Lui, il voit grand ! Son problème, c’est “d’influer sur le cours des choses”!
L’expérience prouve que c’est là le voeu le plus ardent de tous les “fous” et “illuminés” de toutes sortes.
 
Le dernier “chapitre” ou l’on nous explique qu’il ne faut pas se laisser aller au dialogue avec le libéralisme ( dialogue qui serait un piège...) mais qu’il faut être “radical”... ça se passe de commentaires. De toute évidence, Mr Roger Lesgards et moi avons appris “la liberté” et “la démocratie” à des écoles fort différentes....(accesoirement, je crains le pire, si jamais on confie à Mr Roger Lesgards un rôle “dirigeant”...)

J’ai essayé de repondre aux quelques idées que j’ai cru déceler dans l’article de Mr Roger Lesgards. Beaucoup d’autres passages sont, à mes yeux, du verbiage: propos - enflamés certes - mais vides de sens.

Si, toutefois, un lecteur attentif ( vue la longueur des textes, y en aura-t-il ?) trouvera que j’ai omis de répondre à des passages importants, merci de me le signaler.

Publié dans ludosan

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article